De « Prince of Persia » à « The Lost Crown », les parcours d’obstacles d’une licence fétiche du jeu vidéo


Le principal risque pour un monument est de prendre la poussière. En patrimoine comme en jeu vidéo. La sortie de Prince of Persia : The Lost Crown, disponible le 18 janvier sur consoles et PC, est un puissant remède contre la muséification qui menaçait cette licence, dont on était sans nouvelles depuis 2010. Voltige rythmée, combats précis et monde labyrinthique lui assurent un retour par la grande porte : c’est le succès critique inattendu de ce début d’année. Il est l’œuvre des équipes montpellieraines d’Ubisoft, qui n’ont pas hésité à rénover la série de fond en comble. « Il y a du familier et des codes que les joueurs connaissent… mais l’équipe voulait les twister de manière à surprendre », explique au Monde Mounir Radi, réalisateur de The Lost Crown.

« Prince of Persia : The Lost Crown » signe le retour du défilement latéral dans la série.

Pour mettre sur pied cette renaissance, le prince éponyme, désormais relégué au rang de personnage à sauver, est remplacé par l’impétueux Sargon, « auquel il est plus facile de s’identifier », selon le producteur Abdelhak Elguess. Exit les références aux Mille et Une Nuits, place à la Perse antique et à la riche mythologie de la région. Enfin, la classique alternance de plate-forme, de combat et de narration cède la place à l’exploration non-linéaire d’un gigantesque dédale.

Ces chamboulements sont vus d’un bon œil par celui qui a imaginé Prince of Persia sur son ordinateur Apple II dans les années 1980. « Ce renouveau m’excite beaucoup », confie au Monde Jordan Mechner lors d’une rencontre à Montpellier, où il s’est installé en 2016 pour plancher sur des projets de suites directes au Prince of Persia de 1989 pour le compte d’Ubisoft – suites qui n’ont finalement pas vu le jour.

S’il n’a pas participé à The Lost Crown, l’artiste, né à New York en 1964, reste étroitement lié à ce prince de Perse sur lequel il conserve un regard bienveillant : « C’est une bénédiction d’avoir créé quelque chose dont les gens se souviennent trois décennies plus tard », confirme celui qui se consacre désormais à la bande dessinée.

Des premiers pas marquants

  • Depuis son éloignement des studios, l’Américain raconte les coulisses de sa création dans des livres. Il a signé La création de Prince of Persia. Carnets de bord de Jordan Mechner 1985-1993 (Third éditions, 2020) et la passionnante autobiographie familiale Replay (Delcourt, 2023). Ses ouvrages rappellent la place de l’épisode originel dans l’histoire du jeu vidéo et de la fascination qu’il exerce toujours.
Conçu pour l’Apple II mais publié alors que cet ordinateur était en fin de vie, le succès de « Prince of Persia » décolle plus tard, quand le titre est transposé sur PC, Amiga, Atari ST et sur consoles.
Un croquis datant de la production de « Prince of Persia » en 1988. Avant de devenir créateur de jeu vidéo, Jordan Mechner se destinait à devenir auteur de bande dessinée ou animateur chez Disney.

Son principe est simplissime : un héros vêtu de blanc a une heure pour sauver une princesse capturée par un vizir malveillant. Pour cela, il faut explorer les cachots d’un palais, truffés de pièges et de précipices à franchir. « Je voulais importer le type d’action que l’on voit dans les premières minutes des Aventuriers de l’arche perdue, le premier Indiana Jones », témoigne M. Mechner. Prince of Persia, édité par Broderbund, s’affirme comme un choc esthétique à l’aube des années 1990. Les mouvements du protagoniste sont animés par rotoscopie. Cette technique consiste à filmer un personnage, en l’occurrence le frère de Jordan Mechner, puis à redessiner chaque image et les intégrer dans le programme au prix d’un travail alors laborieux. La conception demande au programmeur autodidacte plus de trois ans au total. Porté par le bouche à oreille et des portages sur PC et console, ce titre s’impose comme un des mètres étalons du jeu d’aventures du début des années 1990. Il fait l’objet d’une suite, The Shadow and the Flame (1993) et inspire ensuite les pirouettes de Lara Croft dans Tomb Raider (1996) ou l’oppressante forteresse d’Ico (2001).

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